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L’adresse de référence pour les personnes sans chez-soi : un outil à renforcer

Autrice: Adèle Pierre, Conseillère à Bruss'help

L’adresse de référence pour les personnes sans chez-soi

L’adresse de référence est un mécanisme administratif qui permet à une personne sans domicile d’établir un ancrage administratif et d’y recevoir son courrier. Initialement pensée pour répondre aux besoins de publics diversifiés tels que les militaires, les nomades ou les marins, le mécanisme revêt une importance particulière pour les personnes sans chez-soi. Il leur offre en effet la possibilité de maintenir, ou de recouvrer, l’accès à un ensemble de droits sociaux. En effet, sans inscription au registre de la population, il est impossible de bénéficier d’allocations de chômage, de certaines aides du CPAS ou encore d’une couverture complète des soins de santé. Ainsi, pour ces personnes, l’adresse de référence représente bien plus qu’une simple formalité administrative : elle constitue une première étape vers la reconnaissance de leurs droits, et, souvent, un point de départ vers un processus de réinsertion et de sortie du sans-chez-soirisme.

Juridiquement¹, l’adresse de référence désigne l’adresse soit d’une personne physique, soit d’une personne morale. Dans le cas des personnes sans chez-soi, il s’agit soit de l’adresse d’un·e proche (famille, ami·e, connaissance disposée à accepter cette responsabilité) ou, le plus souvent, de l’adresse d’un CPAS. L’adresse de référence est considérée comme une aide sociale et donc en principe, limitée dans le temps.

Une adresse de référence, à quelles conditions ?

L’obtention d’une adresse de référence est encadrée par trois conditions prévues par la loi.

Le premier critère consiste à vérifier la compétence territoriale du CPAS. Lorsque la personne concernée est hébergée « à gauche, à droite », comme c’est souvent le cas dans une situation d’errance, l’assistant·e social·e doit effectuer une enquête sociale afin de déterminer sa présence effective sur le territoire communal. Cette exigence peut paraître paradoxale pour une personne sans chez-soi, puisqu’elle est, par définition, sans adresse. La procédure repose ainsi sur une série de critères variables, parfois difficiles à établir dans la pratique.

Généralement, deux types de preuves de résidence sont demandées par les CPAS : soit des attestations attestant d'un hébergement temporaire chez un ou plusieurs particuliers, soit des attestations de la fréquentation de structures d'accueil. Dans certains cas, si l’enquête ne parvient pas à déterminer cette compétence territoriale, la personne doit fournir une preuve de sa présence sur le territoire de la commune, ce qui peut s’avérer particulièrement difficile pour une personne sans-domicile. Par manque de temps, des stratégies sont mises en place. Fournir des tickets de caisse prouvant que les achats se font sur le sol communal est régulièrement évoqué comme exemple par nos intervenants. Pourtant, ce n’est pas parce que les achats sont effectués dans une autre commune que l’on y réside par défaut.

La deuxième condition concerne l’absence de ressources suffisantes pour se procurer un logement par ses propres moyens. Si la loi ne définit pas précisément ce que recouvre « l’état de besoin », celui-ci est évalué à travers l’enquête sociale. L’évaluation porte généralement sur la situation financière de l’individu, ses charges familiales et ses obligations vis-à-vis de tiers. Cette enquête relève donc d’une appréciation sociale qui peut varier d’un contexte à l’autre.

Enfin, la demande d’adresse de référence suppose que la personne ait été radiée du registre de la population. Cette condition n’est pas inscrite dans la loi, mais introduite par une circulaire de 1992 stipulant que le·a demandeur·se ne peut être inscrit·e « à aucun titre dans aucun registre communal de la population en Belgique »². En d’autres termes, l’adresse de référence, censée constituer un droit, n’est accessible qu’à condition d’avoir d’abord perdu son inscription dans les registres. Or cette radiation ne peut être sollicitée directement par la personne : elle dépend du CPAS ou de la commune, les textes restant flous quant à la responsabilité effective de la procédure.

L’adresse de référence chez un particulier ou au CPAS

Une fois ces conditions posées, il importe de distinguer deux modalités d’octroi de l’adresse de référence. Lorsqu’elle est demandée auprès d’un CPAS, celui-ci doit vérifier les conditions d’accès, sans pouvoir y ajouter de critères supplémentaires. Pourtant, certains CPAS conditionnent l’octroi de l’adresse de référence à l’acceptation d’un projet d’accompagnement, ce qui n’est pas prévu par la loi.

À l’inverse, lorsqu’il s’agit d’une adresse de référence chez un particulier, la demande doit être introduite auprès de l’administration communale. La personne doit obtenir l’accord écrit de la personne qui accepte de fournir l’adresse. La commune n’ayant pas la capacité légale de vérifier le statut de sans-abri, celui-ci s’oriente logiquement vers le CPAS. Cependant, ce dernier n’est pas explicitement tenu d’y procéder. Dans de nombreux cas, les CPAS refusent d’intervenir, ce qui conduit les communes à renvoyer directement les demandeurs·ses vers le CPAS. Cette absence de clarté institutionnelle engendre des pratiques divergentes d’une commune à l’autre, explique les écarts importants entre communes et se traduit globalement par un recours limité à l’adresse de référence auprès d’un particulier.

Adresses de référence chez un particulier en Région bruxelloise - Décembre 2024

CommuneAdresse de référence particulier
Anderlecht 4
Auderghem 10
Berchem 2
Bruxelles 37
Etterbeek 35
Evere 2
Forest 7
Ganshoren 3
Ixelles 23
Jette 9
Koekelberg 8
Molenbeek 2
Saint-Gilles 7
Saint-Josse 26
Schaerbeek 1
Uccle 21
Watermaerl-Boitsfort 71
Woluwe-St-Lambert 10
Woluwe-St-Pierre 14
  292

Source : SPF Intérieur.

Combien de personnes vivent avec une adresse de référence auprès d’un CPAS en Région bruxelloise ?

Jusqu’en 2021, le code TI024 du Registre national, utilisé pour identifier les personnes inscrites en adresse de référence, ne permettait pas de distinguer les différents types de publics. Les inscriptions y étaient regroupées de manière globale, qu’il s’agisse de personnes sans abri, de personnes détenues, ou encore de personnes résidant dans une demeure mobile. Cette absence de catégorisation limitait, dans la pratique, la capacité des administrations à assurer un suivi précis.

Afin de pallier cette limite, une réforme a été introduite en 2021 visant à affiner la structure du TI024. Les différents types d’adresses de référence y sont désormais catégorisés, facilitant l’identification des publics bénéficiaires. Cette évolution ouvre la voie à un suivi statistique plus rigoureux : il est désormais possible de quantifier le nombre de personnes sans abri inscrites en adresse de référence, que ce soit auprès d’un CPAS ou d’une personne physique, sur la base des données issues du Registre national.

Pour cette analyse, seules les adresses de référence octroyées par les CPAS sont prises en compte, l’octroi auprès d’un particulier variant fortement d’une commune à l’autre en raison de pratiques administratives différentes (v. supra).

En décembre 2024, on recensait 4 242 adresses de référence auprès des CPAS en Région bruxelloise. Trois communes concentraient à elles seules près de la moitié des enregistrements : Bruxelles-Ville (1 034), Anderlecht (653) et Forest (335). À l’inverse, certaines communes ne comptaient que quelques dizaines de domiciliations.

Si l’on rapporte ces chiffres à la population communale, les résultats diffèrent. Etterbeek arrive en tête avec 0,60 % de sa population domiciliée en adresse de référence, suivie de Forest (0,57 %) et de Bruxelles-Ville (0,52 %). À l’opposé, plusieurs communes affichent des proportions particulièrement faibles, telles que Woluwe-Saint-Pierre (0,10 %) ou Jette (0,15 %).

Ces écarts traduisent une double réalité : d’une part, la concentration de situations de pauvreté dans certains territoires, qui alimente la demande en adresses de référence ; d’autre part, des pratiques administratives variables selon les communes, pouvant générer des inégalités dans l’accès effectif aux droits.

 

092025 Actu de BH Adresse de reference

Source : SPF Intérieur. Traitement et réalisation : Bruss’help

 

Une problématique au cœur du Masterplan

L’analyse des chiffres révèle des disparités entre communes, tant en valeur absolue qu’en proportion de la population. C’est le reflet à la fois de réalités socio-économiques différentes et de pratiques administratives hétérogènes. Ces écarts, couplés avec une analyse des conditions d’octroi, interrogent l’égalité d’accès à ce droit et soulignent la nécessité de repenser le dispositif.

C’est précisément l’ambition du Masterplan pour la fin du sans-chez-soirisme, qui entend mener une large enquête afin de comprendre le mécanisme « de l’intérieur » et d’en identifier les freins. Plusieurs points sont mis en discussion avec les CPAS, les communes et le secteur : comment garantir l’accessibilité et la portabilité de l’adresse de référence, éviter les ruptures de droits liées aux radiations ou aux changements de territoire, renforcer l’accompagnement social, clarifier les critères de durée et de renouvellement, et fluidifier les liens inter-institutionnels. D’autres enjeux touchent des publics spécifiques, tels que les personnes détenues en fin de peine, les personnes hébergées temporairement chez des proches, ou encore les migrant·e·s en situation vulnérable, souvent exposé·e·s à des ruptures administratives malgré leur droit de séjour. Enfin, le cadre législatif reste marqué par des zones floues, comme l’illustre le retrait de la circulaire du 7 juillet 2023, qui appelle de nouvelles clarifications.

Rendez-vous dans les prochains mois pour découvrir les premiers résultats de cette recherche !

 

 

¹ L’adresse de référence pour les sans-abris est réglée à l’article 1er , § 2 de la loi du 19 juillet 1991 relative aux registres de la population, aux cartes d'identité, aux cartes des étrangers et aux documents de séjour, et à l’article 20, § 3 de l’arrêté royal du 16 juillet 1992 relatif aux registres de la population et au registre des étrangers.

² Conseil consultatif de la Santé et de l’Aide aux personnes - Section Action sociale, 2012. Evaluation du dispositif « adresse de référence » pour les sans-abri et de son application dans les dix-neuf communes de la Région de Bruxelles-Capitale.

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