À Bruxelles, reloger les personnes sans abri ne serait pas plus cher que de continuer à gérer le sans-abrisme
Depuis de nombreuses années, Bruxelles organise des "dénombrements des personnessans-abri". Grâce à cela, l’on sait qu'entre 2008 et 2020, le nombre de personnes sans-abri a augmenté de 208 %. Lors du dernier dénombrement, en novembre 2020, on comptabilisait 5 313 personnes. Mais jusqu'à présent, personne n'avait calculé le coût de ce phénomène pour la société.
DULBEA, le département d'économie appliquée de l'Université Libre de Bruxelles (ULB), a été chargé, par les organisations "Droit à un toit" et le "Syndicat des Immenses", d'estimer le coût du sans-abrisme et celui du relogement en Région de Bruxelles-Capitale. L'étude a développé un simulateur permettant de calculer le coût d'un habitant de la rue, selon son utilisation propre des services. Elle met en avant les solutions développées par le secteur pour aider les personnes sans domicile, et notamment la méthodologie du "Housing First"qui s'est avérée être l'une des solutions les plus prometteuses pour aider les personnes sans-abri à sortir durablement de la rue. Ce modèle diffère des modèles "en escalier" en ce sens que le logement n'est plus la dernière étape d'un long processus de réinsertion, mais il devient la première étape, assortie de l'accompagnement adéquat.
Les résultats semblent indiquer que "cela ne coûte pas plus cher de reloger" l'ensemble des personnes sans-abri, en comparaison avec la situation actuelle d'utilisation des services.
Coût du sans-abrisme par rapport au coût du logement permanent
DULBEA a identifié dix-huit coûts différents associés au sans-abrisme. Pour douze d'entre eux, des estimations ont effectivement pu être réalisées; pour les autres, cela n'a pas été possible en raison du manque de données disponibles. Le calcul réel a été effectué à l'aide de deux méthodes différentes.
Dans la première méthode, basée sur l'utilisation des services au moment du dernier dénombrement, DULBEA obtient un coût de 41 167,78 euros par personne sans-abri et par an. Cela inclut des coûts d'utilisation des abris d'urgence, des centres de jour et du travail de rue, des maisons d’accueil, de l'aide du CPAS, des soins de santé, des services juridiques et des pertes estimées de revenus publics.
Selon une deuxième méthode, ces coûts varient entre 40 000 et 52 000 euros par an et par personne sans-abri, selon son utilisation plus ou moins fréquente des services.
Les personnes sans-abri ne suivent pas toutes le même parcours, ce qui signifie que les coûts peuvent varier considérablement d'un individu à l'autre. C'est pourquoi les chercheurs ont également élaboré quatre "vignettes", faisant varier l’utilisation des services selon l’âge, la situation et le profil psycho-médical. Cette analyse indique que les coûts par personnepeuvent varier de 30 000 à 85 000 euros.
En créant des scénarios sur base des variables telles que le type de logement (social ou privé), le revenu de remplacement, l'intensité de l'accompagnement (Housing First, accompagnement ou pas d'accompagnement) et la fréquence d'utilisation des services de jour, les chercheurs ont calculé un coût allant de 33 000 à 73 000 euros par an et par personne pour les sortir effectivement de la rue.
Limites de l'étude
Bien que cette analyse fournisse une image objective des coûts du sans-abrisme et des coûts de relogement en région de Bruxelles-Capitale, elle présente également un certain nombre de limites.
D'une part, plusieurs coûts n'ont pu être estimés : le travail bénévole, l'aide alimentaire, les interventions de la police, l'aménagement et l'entretien des espaces publics, la perte de recettes publiques provenant des taxes locales et régionales, l'hébergement en transit, les séjours dans les centres de désintoxication et les années de vie perdues, le coût de la surcharge de travail des travailleurs… En conséquence, le coût total de l’utilisation des services serait quelque peu sous-évalué. De même, le coût de la prévention n’a pas été chiffré, alors que celle-ci est nécessaire afin d’éviter que de nouvelles personnes ne se trouvent en situation de sans-abrisme.
Par ailleurs, le scénario de relogement envisagé par l'étude part du postulat que les personnes en statut de séjour précaire (sans-papiers, ...) auraient également accès à un revenu de remplacement et à un logement (y compris social), ce qui n’est pas le cas actuellement, et ne le sera pas tant que la question de la régularisation des personnes sans-papiers n’aura pas été résolue. Ce même scénario est fondé sur l’hypothèse qu’un important parc de logements durables et de qualité est mis à disposition des habitants de la rue - ce qui n’est actuellement pas le cas. Par ailleurs, il ne prend pas en compte le fait que leur liberté de choix permet à certaines personnes de refuser l’aide proposée. Enfin, le coût du relogement est calculé en envisageant d’accorder un revenu de remplacement à chaque personne relogée. Le RIS actuel a été pris pour base, mais celui-ci risque d’être insuffisant pour pouvoir se maintenir en logement au vu de l’inflation et de la crise énergétique actuelles.
En outre, l'étude étant statique, elle ne peut pas montrer l'évolution de l'utilisation des services. Elle se limite à des estimations moyennes. Or, les situations de vie sont multiples et la durée du séjour des personnes en rue et leurs problèmes sous-jacents peuvent par exemple impacter les coûts au fil du temps. Plus précisément, vivre en rue peut avoir des effets néfastes à court ou à long terme, selon le temps passé sans toit. Le coût du relogement peut être nettement inférieur pour les personnes sans domicile en situation régulière qui n'ont vécu que quelques jours ou quelques semaines en rue.
Mérite
L'étude a le mérite de cartographier pour la première fois le coût du sans-abrisme en Région bruxelloise, et de calculer le coût hypothétique du relogement des personnes concernées.
Bon nombre des services comptabilisés ont pour objectif de gérer le problème en fournissant un hébergement d'urgence, des soins de santé ou une assistance administrative/juridique.
Dans le cadre du modèle de “Housing First”, le logement est une condition sine qua non pour la résolution du problème, tant pour l'individu que pour la situation globale, du moins ence qui concerne les personnes sans domicile fixe ayant un droit de résidence en Belgique.
Cette étude montre que, d'un point de vue budgétaire, une politique de relogement n'est pas plus coûteuse que la gestion actuelle de la situation.
Commanditaires
Cette étude a été commanditée par Droit à un toit/Recht op een dak et le Syndicat des immenses et financée par Brussels Studies Institute, Bruss’Help, CPAS de Bruxelles-Ville, DIOGENES, DoucheFLUX, Droit à un toit/Recht op een dak, Dune, Escale, Fédération des services sociaux, Fédération Bico, Habitat et Humanisme, Infirmiers de rue, New Samusocial, Les Samaritains, Syndicat des immenses, Younited et deux citoyens anonymes, et soutenue par un comité d’accompagnement, composé de Nicolas Bernard (USaint-Louis), Étienne de Callataÿ (économiste), Philippe Defeyt (économiste), Laurent Demoulin (DIOGENES), Laurent d’Ursel (secrétaire et représentant des deux organisations commanditaires), Marjorie Lelubre (Crebis), Céline Nieuwenhuys (Fédération des services sociaux), Louise Paquot (Bruss’Help), Véronique van der Plancke (Fédération des services sociaux), Sarah Van Gaens (Bruss’Help), Adrienne Van Vyve/Koen Van den Broeck (Infirmiers de rue), Martin Wagener (UCLouvain).
Fin du communiqué
Plus d’infos & contact
● Un executive summary de l’étude est disponible ici
● Le texte complet de l’étude est disponible sur simple demande
● Contact presse : Laurent d’Ursel, 0471 41 10 08, Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
Fichiers à télécharger
Sans-chez-soirisme: Suite ou fin? - Rapport final
Sans-chez-soirisme: Suite ou fin? - Résumé de l'étude