Laetitia, après avoir dirigé l’ASBL Les Frangines, un centre d’accueil et d’hébergement pour femmes à Namur, vous êtes désormais à la tête de Bruss'help depuis quelques semaines. Qu'est-ce qui vous a motivée à faire le saut vers une organisation régionale bruxelloise, et comment votre expérience passée influence-t-elle votre approche actuelle à Bruss'help ?

Laetitia : Mon parcours m'a amenée à explorer différents secteurs, de la sécurité routière à l'urbanisme en passant par l'action sociale. Chaque expérience m'a appris l'importance de s'adapter aux besoins spécifiques de chaque vulnérabilité, mais aussi la force des collaborations pour construire des réponses durables. À l'ASBL Les Frangines, où j'ai travaillé pendant six ans, j'ai vu combien les femmes en situation de précarité peuvent être confrontées à des vulnérabilités multiples. C'est là que j'ai vraiment développé une sensibilité pour les questions de précarité genrée, et que j'ai compris que les solutions ne peuvent être trouvées qu'en concertation avec l'ensemble des acteurs concernés.

Lorsque le Conseil d'Administration de Bruss'help m'a proposé de prendre la direction, j'y ai vu une formidable opportunité de porter ces valeurs de concertation et de long terme à un niveau régional. Bruss'help est une organisation encore jeune, mais qui a su se forger un rôle central dans la coordination des acteurs du sans-abrisme à Bruxelles, et cela dans un contexte de crises successives. Je me suis dit que c'était le moment idéal pour contribuer à renforcer ce qui fonctionne déjà bien tout en apportant mon expérience et ma vision pour les années à venir.

Pour moi, rejoindre Bruss'help, c'est à la fois un défi et une continuité logique. Un défi parce que Bruxelles est une région complexe, avec ses spécificités et ses enjeux propres. Mais c'est aussi une continuité dans mon parcours, parce que je reste animée par cette même volonté : celle de coconstruire des solutions durables avec tous les acteurs concernés, dans un esprit d'inclusion et de solidarité.

 

Depuis votre arrivée, quelles priorités ont émergé et comment celles-ci se traduisent-elles dans vos actions quotidiennes à la tête de Bruss'help ?

Laetitia : Dès mes premiers jours à Bruss’help, il m’a semblé essentiel de m’immerger pleinement dans la réalité de l’organisation, de ses missions et de ses valeurs. Mes priorités immédiates ont été de stabiliser l’équipe et de renforcer notre organisation interne. Une structure solide est la condition sine qua non pour pouvoir engager sereinement la réflexion de fond sur notre rôle et nos missions dans le secteur. Cela passe par le renforcement des compétences, la clarification des processus et la création d’un environnement de travail propice à la collaboration et à l’innovation.

Au quotidien, cela se traduit par une volonté de consolider les bases existantes. J’ai également voulu consacrer du temps à rencontrer nos partenaires associatifs et institutionnels pour mieux comprendre leurs attentes et la manière dont ils perçoivent Bruss’help. Ces échanges nourrissent déjà notre réflexion stratégique et nous aideront à ajuster nos actions en fonction des besoins réels du secteur.

Pour l’instant, il s’agit avant tout d’assurer la continuité de nos actions actuelles tout en posant les jalons pour un repositionnement stratégique à venir. Nous devons trouver un équilibre entre la gestion des urgences, qui fait partie de notre quotidien, et la préparation de l’avenir. Je suis convaincue que cette phase de consolidation est indispensable pour que Bruss’help puisse évoluer de manière cohérente et efficace dans les années à venir.

 

Depuis votre arrivée, comment votre vision pour Bruss'help s'est-elle affirmée ? Quelles sont les grandes orientations que vous souhaitez donner à l'organisation ?

Laetitia : J’ai rapidement ressenti le besoin de mener une réflexion plus profonde sur le rôle de Bruss’help dans le secteur et sur le sens de notre action. L’organisation, encore jeune, a été confrontée à de nombreux défis depuis sa création. Elle a su développer une capacité d’adaptation précieuse, mais il est désormais temps de prendre du recul et de questionner nos missions et nos valeurs pour les aligner avec les besoins actuels et futurs.

Nous sommes en train d'entamer cette réflexion à moyen terme sur le sens de notre mission, visant à l'aligner avec les besoins actuels et futurs. Mon objectif est d’affiner notre vision pour Bruss’help, en nous appuyant sur ce qui a déjà été construit, tout en restant ouverts aux ajustements nécessaires. Nous devons renforcer notre rôle de coordinateur et de facilitateur, en créant un cadre plus structuré pour nos actions, tout en restant flexibles et réactifs face aux évolutions du terrain.

Les grandes orientations que je souhaite donner à l’organisation s’articulent autour de deux axes principaux : d’une part, clarifier et renforcer notre mission de coordination et de facilitation au sein du secteur ; d’autre part, participer activement à l’élaboration de solutions structurelles pour sortir du sans-abrisme. Il ne s’agit pas seulement de gérer l’urgence, mais de donner vie à notre vision à long terme, en collaboration avec l’ensemble des acteurs concernés. C’est un équilibre délicat entre la valorisation de nos acquis et la recherche de nouvelles voies pour mieux accomplir notre mission.

 

Vous avez eu l'occasion de rencontrer plusieurs partenaires stratégiques depuis votre prise de fonction. Comment les premiers retours du terrain ont-ils influencé votre approche pour Bruss’help ? Ces échanges ont-ils modifié ou renforcé votre vision des collaborations intersectorielles, et voyez-vous des partenariats particulièrement prometteurs pour l’avenir de l’organisation ?

Laetitia : Les retours que j'ai pu recueillir auprès de nos équipes et de nos partenaires stratégiques depuis mon arrivée m'ont offert une vision plus claire des défis auxquels nous faisons face. Ils m’ont permis de réaliser à quel point il est essentiel d'intégrer les perspectives de ceux qui travaillent au quotidien sur le terrain. Cela m’a confortée dans l'idée que notre stratégie doit être dynamique et ancrée dans la réalité des personnes que nous soutenons.

Les échanges avec nos partenaires ont non seulement renforcé ma vision des collaborations intersectorielles, mais ils ont aussi ouvert de nouvelles pistes pour des partenariats innovants. Je crois fermement que le succès de Bruss’help dépend de notre capacité à tisser des liens solides avec d'autres acteurs, qu'ils soient publics ou privés. Le projet de dispatching, par exemple, s'inscrit parfaitement dans cette dynamique, car il permettra à termes de mieux orienter les personnes vers des solutions adaptées et de renforcer notre efficacité collective. De même, les projets de relogement durables nécessitent également le soutien de collaborations stratégiques pour être pleinement efficaces et porter pleinement des dispositifs innovants.

 

En regardant vers l'avenir, quels sont vos espoirs et ambitions pour Bruss'help ? Comment envisagez-vous une Région de Bruxelles-Capitale sans sans-chez-soirisme ?

Laetitia : En regardant vers l’avenir, mes espoirs et mes ambitions pour Bruss’help sont clairs : je souhaite que nous devenions un véritable moteur de changement pour la lutte contre le sans-abrisme en Région de Bruxelles-Capitale. Cela passe par un renforcement de nos actions et de nos missions, mais aussi par une dynamique de co-construction avec tous les acteurs impliqués.

Je rêve d’une Région où chaque personne puisse accéder à un logement stable et bénéficier de l’accompagnement adéquat. Pour y parvenir, il faudra que nous continuions à travailler ensemble, à innover et à repenser nos pratiques. Cela nécessite également le soutien des pouvoirs publics, qui sont essentiels pour mobiliser les ressources nécessaires et créer un cadre législatif propice à ces changements. Le Masterplan que nous avons construit ensemble doit servir de fondation pour ces transformations, et il est crucial de rester ouverts aux ajustements nécessaires, en fonction des besoins émergents et des retours du terrain. En collaborant étroitement, je suis convaincue que nous pouvons transformer notre vision en réalité et contribuer à une société plus inclusive et solidaire.

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